Test – Kid Icarus: Uprising


Paru sur Nintendo 3DS le 22 mars 2012, Kid Icarus: Uprising revisite une franchise oubliée de l’univers Nintendo. Rangée dans le placard depuis plus de deux décennies, elle revient sous la forme hybride d’un jeu 3D mêlant shoot’em up et beat’em up, alternant des phases sur rails et des déplacements libres dans des environnements linéaires. Un retour qui tranche donc vivement avec les précédentes aventures de l’angelot de Nintendo, pour le meilleur comme pour le pire !
Au nom du ciel éternel
Il aura fallu attendre vingt-et-un ans et un passage du côté de Super Smash Bros. Brawl pour retrouver l’angelot de Nintendo dans un épisode inédit. Aux manettes de cet opus Nintendo 3DS, on retrouve l’indéboulonnable Masahiro Sakurai. Bien décidé à faire revenir son héros ailé sur le devant de la scène, il en profite pour redonner un gros coup de pinceau au chara design de ses personnages. Oscillant entre le manga et le réaliste, la direction artistique brille par sa folie des grandeurs. Si les graphismes ne sont pas toujours au top, la faute à des concessions techniques évidentes, comment ne pas tomber sous le charme des environnements proposés par le jeu ? Entre les décors naturels brillants de mille feux à l’image d’une énorme pleine lune rosâtre, les mondes psychédéliques qui retournent sans cesse le joueur – on pense surtout au labyrinthe de Pandora – ou encore la magie des zones spatiales, le titre nous en met plein la vue. Sublimée par un 3D profonde, bien qu’un poil épuisante, Kid Icarus: Uprising se montre également très fluide (une qualité obligatoire pour un gameplay aussi exigeant).

Très beau dans ses passages aériens, la qualité graphique sera bien moins impressionnante une fois redescendu sur la terre ferme. De même, si certains monstres et boss sont visuellement superbes, d’autres pécheront pas un chara design pas franchement inspiré. Qu’importe ! Ces détails anodins n’empêchent nullement le titre de jouir d’une bande-son absolument incroyable, laquelle a été composée par les très grands Motoi Sakuraba (Tales of, Dark Souls ou encore Golden Sun), Yasunori Mitsuda (Chrono Trigger/Cross et la série des Xeno), ou Yûzô Koshiro (Streets of Rage). Si on retient surtout le thème de Pit Maléfique et sa guitare flamenco, ce sont bien toutes les pistes qui se révèlent mémorables. Comment ne pas également souligner la maestria de son scénario, l’ambiance distillée et les dialogues à la fois épiques et hilarants ? Non seulement le titre donne enfin une certaine profondeur au monde de Kid Icarus (piochant davantage dans la mythologie grecque que ses ancêtres, tout en la modernisant), mais surtout, c’est une atmosphère à laquelle personne ne s’attendait.

Tu seras viril mon Kid Icarus
Sur fond de guerre entre les Enfers et l’humanité, les Dieux s’envoient sans cesse des piques entre eux et – bien plus souvent – à l’encontre de Pit. On assiste donc à une avalanche de dialogues comiques, dans lesquels le jeu n’hésite jamais à descendre notre héros, pourtant fort courageux. Forcément, on s’y attache et on s’y identifie sans mal, comme pour prouver aux Dieux que non, Pit n’est pas qu’un raté (ou alors à moitié). Très naïf, l’angelot n’hésite pas à crier sans cesse des phrases héroïques clichées ou des jeux de mots à la limite du soutenable, le tout procurant une indéniable dose de bonne humeur. Même lorsque le conflit s’aggrave et que l’ambiance devient plus sérieuse, il y a toujours un petit shot d’humour pour détendre l’atmosphère, à l’image du duel final où Pit et son adversaire s’interpellent sans fin. Plus étonnant encore, le jeu de Sakurai n’hésite pas à briser la quatrième mur et à se jouer des codes du jeu vidéo, faisant de nombreuses allusions à d’autres titres Nintendo comme Metroïd, les Game and Watch ou même Mario Kart, en témoigne tout un segment inspiré de la Route Arc-en-Ciel. On retrouve même des clins d’œil aux précédents opus.

Quand bien même Kid Icarus saurait se montrer amusant, il n’oublie pas pour autant sa dimension épique, laquelle se marie naturellement avec la grandeur des environnements et des affrontements. Seul problème au tableau, le jeu n’est doublé qu’en anglais, obligeant ceux qui ne parlent pas la langue de Shakespeare à alterner – difficilement – entre une action frénétique et des dialogues qui s’enchainent sans fin, rendant la lecture – ou la lisibilité de l’action – fatalement pénible. Il faudra alors faire le jeu deux fois : une première en mode très facile pour bien suivre le scénario, une seconde pour apprécier le game design et les environnements. Pire encore, battre un boss durant une discussion coupera court à la scène ; mieux vaut faire durer le plaisir, sous peine de rater une partie des dialogues. Pour la difficulté du titre, Sakurai a eu la bonne idée d’instaurer une jauge personnalisable avant chaque début de niveau. Cette dernière, graduée entre 0,0 et 9,0, permet d’ajuster le challenge à sa guise (en relevant le niveau du défi, on en vient même à débloquer certains passages des stages, autrement inaccessibles). Les derniers paliers se montrent particulièrement ardus, la puissance des coups reçus étant particulièrement élevée.

Crampe Icarus
Tout comme dans les récents Super Smash Bros., Sakurai sait récompenser grassement le joueur pour chaque haut-fait accompli. On nous offre des icarons (des statuettes à collectionner), des armes qu’on peut aussi fusionner pour augmenter leur puissance, des dons – des pouvoirs à activer durant les phases terrestres – ou même des musiques. De cette collecte gargantuesque se dégage une certaine dopamine, laquelle peut gonfler énormément la durée de vie du titre si on cherche à tout faire. Une durée de vie relativement faible en ligne droite, laquelle ne peut prendre que sept heures. Fort heureusement, grâce à son challenge et sa générosité en bonus, la rejouabilité s’en retrouve bien plus importante que dans de nombreux autres titres du genre. On pourra également retrouver une partie multijoueur pour ceux qui le désirent, laquelle opposera deux camps de combattants. Assez réussi dans l’ensemble, il reste surtout un bonus pour les aficionados de modes online.

Question gameplay, si les phases aériennes sont similaires à du shoot’em up, celles sur terre se rapprochent bien plus d’un beat’em all. Si les envolées célestes se montrent excellentes, les combats au sol nous convainquent bien moins, la faute à une maniabilité absolument inimaginable. Accrochez-vous bien : non seulement il faut appuyer sur la gâchette gauche pour tirer et utiliser le stick pour se déplacer, mais en plus le joueur doit utiliser l’écran tactile pour déplacer la caméra. En résulte un positionnement des mains particulièrement hasardeux et surtout extrêmement fatiguant/douloureux lors de longues sessions. Si après une petite heure de jeu on s’habitue aux contrôles singuliers, difficile d’en dire autant pour les doigts. Comme si le constructeur nippon avait conscience de ce défaut inhérent au game design du titre, Nintendo vend son jeu avec un support pour la console, histoire de soulager nos mains.

Conclusion
Kid Icarus: Uprising est un opus à double facette. La première, angélique et animée par ses phases aériennes parfaites, nous envoie au septième ciel à l’aide d’une bande-son géniale, d’un rythme effréné, de dialogues et de personnages amusants, ainsi que d’un contenu particulièrement généreux. La seconde, infernale et représentée par ses phases terrestres poussives, nous assomme d’une maniabilité douloureuse et d’une caméra stupide, d’un chara design parfois douteux et de graphismes pas toujours superbes. Assurément dommageables, ces défauts n’empêchent toutefois pas Kid Icarus: Uprising d’être un titre addictif, ingénieux et porteur d’espoir pour un retour définitif de Pit (lequel s’excuse, comme un symbole, de sa longue absence dès le premier chapitre). Le principal défaut du jeu réside en fait dans ses ambitions démesurées, lesquelles sont bridées par la Nintendo 3DS elle-même. Nul doute que notre chérubin adoré aurait préféré se dégourdir les ailes sur console de salon… 8 sur 10.
